« Perte 1 »

Hier soir 24 novembre 2015 a eu lieu le vernissage de l’exposition « Les fruits du dialogue ». Une dizaine d’artistes ont rencontrés autant de scientifiques dont les sujets de recherche abordent les problèmes de l’eau, de climat, de diversité animale … d’autres sujets massifs qui nous préoccupent sans que l’on sache définir exactement leurs impacts sur nos vies. Mais justement, comment se représenter ces questions, comment les regarder en face ou même les désigner clairement ? C’est ce que les artistes choisis par Carlos Villégas Ivich, artiste participant et initiateur  de cette manifestation, ont mis dans la lumière des très beaux espaces de l’institut culturel mexicain de Paris.

A la suite de notre entretien, j’avais dis à Anne-Caroline Prévot-Julliard, écologue et biologiste de la conservation, combien j’aimerai que l’idée de proximité soit à la base des travaux que je m’apprêtais à faire. Dans ses tentatives pour divulguer le résultat de ses recherches (ses vidéos sur Youtube) Anne-Caroline essaye souvent de montrer comment et pourquoi la question de la diversité nous touche de près.

Deux œuvres, « Perte 1 » et « Perte 2 » sont exposées. Je ne montre dans cet article que la première d’entre elles. Pour aborder cette pièce, il faut lire la fine ligne de texte qui en marque le pourtour, se pencher vers le centre et se déplacer pour provoquer le mouvement des dessins dans l’aluminium miroir. C’est ainsi, sous cette forme, que « Perte 1 » traduit mon souhait de rendre les choses proches et palpables.

Voici le texte présent dans l’exposition, accompagnant « Perte 1 » :

Une espèce animale disparaît. Comment la vie lui donnait-elle un corps et tout ce qui faisait son mystère : personne ne pourra plus l’éprouver.

Ce retrait définitif de présence au monde me bouleverse, et je sais par ailleurs que le gain en toute chose nous occupera toujours plus que la perte.

Le dernier paragraphe de « La route » était là sous mes yeux*. La beauté, la puissance fictive de cette perte écrite par Cormac McCarthy, encore intacte avant qu’elle ne soit brouillée par la question de notre responsabilité à son égard, m’a permis de donner une présence visuelle à cette tragédie.

« Autrefois il y avait des truites de torrent dans les montagnes. On pouvait les voir immobiles dressées dans le courant couleur d’ambre où les bordures blanches de leurs nageoires ondulaient doucement au fil de l’eau. Elles avaient un parfum de mousse quand on les prenait dans la main. Lisses et musclées et élastiques. Sur leurs dos il y avait des dessins en pointillé qui étaient des cartes du monde en son devenir. Des cartes et des labyrinthes. D’une chose qu’on ne pouvait pas refaire. Ni rérarer. Dans les vals profonds qu’elles habitaient toutes les choses étaient plus anciennes que l’homme et leur murmure était de mystère. »

Cormac McCarthy. 

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